« À la croisée des chemins » : Jeu et enjeux du théâtre de Gilles Granouillet
Stage de formation continue professionnelle conventionné Afdas
par la compagnie Théâtre sur paroles en partenariat avec Théâtre vivant
animé par François Rancillac, metteur en scène, assisté par Christine Guênon, comédienne
du 18 novembre au 13 décembre 2024
Inscriptions et infos administratives (avant le 11 novembre)
Claire Joly : 07 60 30 74 28 – stages@theatrevivant.fr
Renseignements sur le contenu de la formation
François Rancillac : rancillac.fr@gmail.com
J’ai déjà mis en scène six textes de Gilles Granouillet. C’est dire si son écriture, son univers comptent pour moi. Et chaque fois, c’est un nouveau défi : car derrière l’apparente (et fausse) simplicité, cet auteur à l’œuvre conséquente (déjà plus d’une trentaine de textes) s’avère poser des questions redoutables à ses interprètes, acteurs/trices comme metteur.es en scène.
Granouillet, fils d’ouvriers stéphanois, s’inscrit explicitement dans le droit fil d’un théâtre populaire, « élitaire pour tous ». Pour ne laisser quiconque sur le seuil (et surtout les personnes peu familières des salles obscures), il mise obstinément sur les pouvoirs de la fable – et dieu sait qu’il est inventeur d’histoires hors pair ! Terribles ou fantaisistes, réalistes ou à la limite du fantastique, elles mettent en jeu des hommes et des femmes (adultes mais enfants aussi) en situation soudain critique : un grain de sable voire une avalanche de pierres fait dérailler le train-train apparemment confortable de leur quotidien ! Alors chutent les masques, surgissent d’entre les mots des failles, des blessures mal cicatrisées, des secrets de famille refoulés, des renoncements jamais digérés. Alors la vie reprend enfin ses droits, rebat les cartes, rouvre le champ des possibles. Encore faut-il prendre le risque d’aller voir ailleurs si j’y suis… C’est donc un théâtre profondément humaniste, qui croque au scalpel notre humaine trop humaine condition, capable plus souvent du pire que du meilleur, tout en laissant chaque fois la porte entrouverte au désir, au devenir. Cela réclame aux acteurs/trices une immense attention aux mots, à ce qu’ils taisent surtout ; cela demande de « mouiller la chemise » et d’assumer à plein « l’effrayante drôlerie » de notre grandiose et si dérisoire humanité.
Autre enjeu, et de taille : Granouillet écrit depuis les années 80 (bien avant que cela devienne presqu’un cliché du « théâtre contemporain ») du « théâtre-récit » mais… au présent ! Il faut donc pour les interprètes être à la fois ici (face au public) et là-bas (dans la fiction), au présent de la représentation et au passé de la mémoire, acteur et narrateur à la fois d’une histoire souvent invraisemblable qu’il faut absolument retraverser (réinventer ?) pour pouvoir enfin en saisir le sens… Cette ligne de crête spatio-temporelle peut au début donner le vertige : elle est jubilatoire quand on en « joue le jeu » – au fond, comme des gosses.
Lectures, analyses dramaturgiques, travail de scènes, rencontre avec l’auteur permettront d’apprivoiser cette écriture singulière et essentielle. Il y aura place aussi pour celles et ceux qui le souhaitent pour prendre en main la direction d’acteurs sur tel extrait, telle pièce mise en voix, en espace, etc.